http://www.mep-fr.org/mois-de-la-photo/mdlp2014/
On n’est pas son lieu de naissance, on n’est pas même sa naissance, on est ce que l’on décide de devenir. Et ce que l’on décide est souvent enclenché par choc.
Paul Veyne
« L’enfer c’est aujourd’hui mon amour ». C’était la fin d’une aventure étincelante.
Il aurait aimé passer avec elle encore une autre nuit, mais ne fût-ce qu’un court instant avant de la voir disparaître. Les paroles qu’il avait entendu étaient plus loin que l’horizon. Lucien De Nero était blessé dans l’orgueil suite l’adieu d’Océan Lagarde.
Combien connaissait-on de personnes capables de vous renvoyer votre propre lumière? Pensa-t-il. La femme qui l’avait rendu célèbre et amoureux venait de le quitter. Océan était sa modèle et lui son photographe. La jeune fille était devenu une star grâce à la photo. Elle était toujours dans les premières pages des grands magazines. Malgré cela le succès avec Lucien ne fût-ce que très bref car Océan choisit le chemin du cinéma!
Le regard de la modèle brisait le cœurs des hommes, son corps athlétique presque parfait avec sa longue chevelure brune et bouclée la rapprochait à une divinité grecque. Elle était vraiment belle. Lucien avait compris tout suite au premier rencontre qui avec elle aurait fait fortune ! Il ne pouvait pas oublier ce jour: c’était le 7 novembre 1989 à New York.
À l’époque il venait de terminer ses études de photographie. Il s’inspirait à Richard Avedon qui avait inventé l’image de mode en mouvement. Cette idée l’intriguait vachement. Pour Lucien l’image statique appartenait au passé. Océan était effectivement le puzzle manquante à la réalisation de sa réussite. Les deux se complétaient.
Pourtant Océan était jeune et elle ne pouvait pas refuser une proposition d’emploi de telle ampleur comme le cinéma. Et si on fait un bilan de fin d’année le ’89 fut un an incroyable pour Lucien. Il connut la célébrité et il devint riche très rapidement. Malheureusement le départ de sa star l’avait poussé à se poser des questions interminables sur son avenir. Furent-ils nombreux les réflexions,mais il y en avait une différente et assez étrange. Ce fut d’une certain façon une décision difficile à prendre, mais qui bouleversera toute sa vie: le photo-reporter.
Il se sentait un homme du monde dans le sens le plus étendu, homme de foules, un promeneur solitaire qui essayait de capter quelques images de la vie contemporaine – scènes de rue, scènes de guerre, scènes quotidiennes -, cherchant de fixer pour un instant ce qui n’était pas éphémère, dans l’espoir de dégager du temps ce qu’il pouvait contenir de poétique dans l’historique, de tirer l’éternel du transitoire.
Ce fut probablement le dégoût de l’argent, le mépris de l’hypocrisie de la société que l’avait amené à entreprendre ce choix. Soudain Lucien était prêt pour partir pour la Guerre du Golfe. Cette fois-ci fut Robert Capa à l’inspirer, un photographe qui avait passé sa vie à photo – reporter les événements belligérants. Cette fois-ci il voulait donner à l’image un relief plus profond qui affrontait des thèmes comme la survivance, la folie des soldats, l’horreur des armes et la misère noire.
Ce fut un jour comme les autres au milieu des ruines et de rien que Lucien De Nero avait trouvé la mort. Il fut touché par un projectile durant une affrontement entre deux bataillons ennemis. Il était en train de photographier la fusillade. Ce fut sa dernière photo.
A la fin de l’affrontement des soldats américains avaient amené le corps à l’ambassade pour le faire rapatrier. Pendant la marche quelqu’un d’entre eux avait trouvé dans l’anorak de Lucien un texte écrit sur un papier tout froissé. Il s’intitulait :La chanson du témoin.
Dans une nébuleuse d’amiante
Comme un silence dans le bruit
Une explosion rayonnante
La collision des problèmes dans les astres
Des lettres en face aux désastres
et voilà circuler la fin dans un moment:
On est fatigué de voir les paroles qui meurent
On est fatigué de voir que les choses ne changent pas
On est fatigué de se tenir sur ses gardes encore
de respirer l’air comme une lame à la gorge
Et aller à pieds nues juste où on ne sent plus la douleur
seulement pour comprendre si on sait encore marcher
Le monde est un corps couvert des livides
et mes pensées toujours plus vides
Des corps sur la route que se laissent louer
comme tables anatomiques à dévaliser
Le corps est parfait, le corps est immortel.
Le corps est la frontière qu’on peut violer
Les saints bureaucrates, sang des hypocrites
La vie est souvent une décharge des songes
que semble un film où tout est établi
Sous un ciel de gris infini
Et aller à pieds nues juste où on ne sent plus la douleur
seulement pour comprendre si on sait encore marcher
Les jambes pleins des livides
et les pensées toujours plus vides
Les corps de décharge appartiennent au journal télévisé
Les corps des diplomates en direct pour conquérir
Les son de la marche son-le encore
La mort s’habille bien quand vient dans l’heure
Des Crhists qui pleurent vides sans expressions
L’angoisse d’une planète qu’on peut disséquer
Coup le monde coup- le encore
Qui est riche reste vivant pendant que les pauvres meurs
Les saints bureaucrates, sang des hypocrites
La vie est souvent une décharge des songes
Que semble un film où tout est établi
Sous un ciel de gris infini.
Ce texte représenta aujourd’hui l’ouverture de l’expo “Aux Autres” dans la galerie “Les arts imaginaires” à Paris. Cet expo est présenté par la célèbre actrice Océan Lagarde.